Médiation animale : « Pour qu’une action fonctionne, elle doit être bien préparée »
Boris Albrecht, directeur de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer nous propose un tour d’horizon des actions de médiation animale menées en France.
Pouvez-nous présenter la Fondation A et P Sommer?
Abritée par la Fondation de France, la Fondation A et P Sommer est aujourd’hui en France la seule organisation indépendante et privée, à but non lucratif, qui soutient financièrement les actions de médiation animale. Son objectif est ainsi d’œuvrer par le biais de la médiation animale pour le mieux-être et l’intégration des publics les plus vulnérables : enfants ou adultes fragilisés par la maladie ou le handicap, jeunes en errance, détenus en réinsertion, personnes âgées dépendantes…
La Fondation A et P Sommer a été créée en 1974 par Pierre Sommer (1909-2002) – issu d’une famille d’industriels ardennais – et son épouse Adrienne (1902-2003) qui partageaient la même passion pour l’environnement, les animaux et leurs relations avec les êtres humains.
Quelles sont ses principales missions ?
La fondation a trois grandes missions :
• Favoriser l’éducation à la citoyenneté, aux émotions, aux souvenirs, aux échanges, et évoquer la place des animaux familiers à travers la création de kits pédagogiques qui sont actuellement diffusés gratuitement dans 6000 écoles et centres de loisirs.
• Encourager et soutenir la recherche, en particulier avec l’attribution de bourses et via le portail documentaire du centre de ressources de la Fondation A et P Sommer qui rassemble de nombreux documents concernant les relations homme-animal et tous les aspects de la médiation animale : http://documentation.fondation-apsommer.org/.
• Soutenir et valoriser les actions en lien avec la médiation animale au sein de structures sociales et médico-sociales. Cela passe par un accompagnement des projets, et des actions de mécénat, notamment via notre appel à projets annuel destiné à valoriser les pratiques de médiation animale au profit des personnes les plus vulnérables : enfants ou adultes fragilisés par la maladie ou le handicap, jeunes en errance, détenus en réinsertion…. Organisé chaque année, il permet à la structure lauréate de recevoir un financement. Nous avons accompagné pendant longtemps des actions en maisons de retraite et arrêté en 2011, car nous avons constaté – par le biais de deux études nationales que nous avons initié (la présence animale en maison de retraite en 2005 et 2010) – que le mouvement était déjà bien lancé et que les acteurs se débrouillaient suffisamment bien pour être autonomes (pour organiser la venue des animaux, la construction de projets, et leur financement). Une nouvelle enquête sera réalisée courant 2015 pour vérifier les données des précédentes études.
Quelles actions mettez-vous en œuvre ?
Nous avons essentiellement un rôle de mécène et de financeur. Celui-ci se décline sur deux grands volets :
• Études et recherches
Nous avons accompagné et/ou nous accompagnons des travaux de recherche sur de nombreuses thématiques, parmi lesquelles par exemple : le rôle bénéfique d’un chien auprès de personnes sans domicile fixe dans le cadre de leur réinsertion ; les effets de la présence animale dans un foyer ou un établissement scolaire auprès d’enfants autistes ; la présence d’animaux en milieu carcéral ; l’éducation de chiens en institut pédagogique et médicalisé…
• Terrain
Aujourd’hui, nous avons soutenu et encouragé un peu plus de 500 initiatives (à travers notre appel à projets annuel) associant des chevaux, des chiens, des ânes et des animaux de ferme… sur un éventail très large d’actions (rééducation physique, sociale…). Nous valorisons et accompagnons en priorité des actions menées par des professionnels dans les établissements des secteurs du milieu sanitaire, social, médico-social, carcéral ou éducatif.
Quels sont vos projets et objectifs pour les mois et années à venir ?
– La Fondation A et P Sommer travaille en lien étroit avec des organismes internationaux et notamment l’IAHAIO (international association of human-animal interaction organizations), qui regroupe une cinquantaine de pays autour de la médiation animale. Tous les 3 ans, cet organisme met en place une grande conférence sur trois jours. Nous avons apporté assez d’éléments pour démontrer que la France est en avance dans le domaine de la médiation animale (avec l’Italie) et notre candidature a été retenue – face à l’Australie et la Corée du Sud – pour organiser l’édition 2016, qui aura lieu à la Cité des Sciences (du 11 au 13 juillet 2016). Nous en sommes ravis et nous allons donc nous concentrer sur cet événement qui proposera des débats, conférences et présentations de travaux de recherche ou d’actions de terrain.
– La Fondation A et P Sommer est également le mécène principal d’une exposition qui est présentée à la Cité des Sciences et de l’Industrie (Paris) du 7 avril 2015 au 2 février 2016 : « Chiens et Chats : Vous en ressortirez moins bête ». L’objectif est de sensibiliser le public à la proximité animale. Les études de la FACCO-SOFRES ont montré que près d’un français sur deux possède un chien ou un chat domestique. C’est à partir de ce constat, qu’un groupe de scientifiques s’est créé et a constitué une exposition pour essayer de comprendre pourquoi il y a un intérêt tel pour ces animaux, leurs modes de fonctionnement, et leurs interactions avec l’humain. Un focus sera également consacré à la médiation animale.
Pouvez-vous nous parler de votre appel à projets ?
Nous lançons chaque année un appel à projets ouverts aux établissements des secteurs sanitaires social, médico-social, carcéral ou éducatif portant des initiatives liées à la médiation animale. Nous sommes sensibles à ce que ces projets soient portés par des professionnels dans les établissements. Il peut s’agir d’aides-soignants, de psychomotriciens, éducateurs… qui participent aux actions directement et dans une optique durable. Ainsi nous recevons plus de 150 candidatures par an et nous constatons que les professionnels sont effectivement très engagés sur le thème de la médiation animale et proposent des idées de plus en plus concrètes et réfléchies.
La médiation animale en France
Quand on parle de « médiation animale », de quoi parle-t-on exactement ?
Pour la Fondation A et P Sommer, la médiation animale est la « Recherche des interactions positives issues de la mise en relation intentionnelle humain-animal dans les domaines éducatifs, sociaux ou thérapeutiques ».
De nombreux termes voisins existent (Activités associant l’animal, zoothérapie, equithérapie…) mais médiation animale nous semble être la définition la plus inclusive, car elle permet de prendre en compte tous les animaux et tous types d’intervenants. Aujourd’hui le débat porte se le fait de savoir si la médiation animale est une profession ou la spécialisation d’une pratique.
Quels sont les différents types d’activités de médiation animale qui existent ?
Parmi les grandes tendances, on trouve comme animaux associés les chiens, les chevaux et les ânes pour travailler sur la psychomotricité, la relation physique et psychique, et la revalorisation de la personne, par exemple. Prendre en charge un animal peut redonner confiance. C’est également intéressant sur le plan relationnel car un animal ne réagit pas de la même manière qu’un humain et s’adapte à chaque personne. La médiation animale peut également se conduire avec des animaux de ferme, ou de petits animaux (lapins, cochons d’Inde…). Nous recevons régulièrement des questions sur la delphinothérapie, mais à ce jour, rares sont les études qui ont réellement montré son rapport investissement-bénéfice, et surtout cette pratique est assez complexe à mettre en œuvre si l’on veut respecter le bien-être des dauphins et leur besoin de vivre en milieu naturel.
Quelle que soit sa forme, la médiation animale peut apporter des effets positifs aux bénéficiaires, mais aussi aux encadrants, qui voient parfois leur travail simplifié par la présence de l’animal, qui peut faire diversion, détendre l’atmosphère ou encore jouer un rôle d’intermédiaire.
Dans tous les cas, pour qu’une action fonctionne, le plus important est qu’elle ait été bien préparée en amont et bien réfléchie, tout en gardant à l’esprit que la médiation animale peut apporter des bénéfices mais qu’elle n’a pas vocation à résoudre tous les problèmes.
Dans quelle mesure la médiation animale est-elle développée en France ? Et par rapport aux autres pays ?
C’est en Europe que la médiation animale est la plus développée, et plus particulièrement en France et en Italie. La médiation animale est bien installée en France et existe depuis les années 1970 (bien que la relation animal-humain soit millénaire). Maintenant nous sommes dans une phase où le secteur essaye de se fédérer. Nous voyons de très nombreux projets se construire et aboutir chaque année, notamment à travers notre appel à projets qui ne désemplit pas en termes de candidatures. Par ailleurs on constate que les projets sont de plus en plus réfléchis et innovants.
Concernant l’Italie, elle dispose d’un département du ministère de la Santé consacré à la thérapie animale.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Nous sommes aujourd’hui à un tournant où nous ne pouvons que nous féliciter du professionnalisme des acteurs au niveau national, que ce soit sur les actions de terrains menées, sur le plan de la recherche ou de la fédération (association Licorne et Phénix par exemple www.licorne-et-phenix.org).
Pour plus d’infos : www.fondation-apsommer.org
Propos recueillis par Caroline Madeuf
Photo : Médiation canine à l’IME Daudignon à Grenoble – Une orthophoniste et un jeune atteint de troubles du développement © David Renaud