Tourisme : « L’accessibilité est avant tout un critère de qualité »

Label Tourisme et Handicap, loi du 11 février 2005… Où en est l’accessibilité du tourisme aujourd’hui ? Jean-Pierre Blat, directeur général du Comité Régional du Tourisme Paris-Île-de-France nous donne son point de vue.

 

Que pensez-vous de l’évolution de l’accessibilité du tourisme en Île-de-France ?

Sur la dernière décennie, il est indéniable que de nombreuses améliorations ont été apportées au niveau de l’accès et des prestations, notamment grâce à la loi de 2005 et au label Tourisme et Handicap qui ont entraîné une prise de conscience.

Toutefois la situation n‘est pas satisfaisante. Si le label a initié quelque chose de positif, il a abouti à un échec, car trop peu de moyens ont été accordés à sa mise en œuvre, et ses critères ont été établis en décalage avec ceux qui ont été posés par la loi de 2005. Ainsi les critères du label Tourisme et Handicap sont au final inférieurs aux exigences donnés par la loi de 2005, d’où un vrai problème de cohérence qui compromet la pertinence du label. Reste aussi un problème de perception : les acteurs du tourisme ne comprennent pas l’importance économique de l’accessibilité. Paris est l’une des destinations les plus connues au monde. C’est une promesse de qualité que nous devons tenir face à plus de 300 destinations concurrentes, et l’accessibilité en est un élément fondamental.

 

Que met en œuvre le CRT Paris-Île-de-France pour améliorer l’accessibilité du tourisme ?

Alors que nous étions en charge de l’instruction des dossiers pour l’obtention du label Tourisme et Handicap, nous avons décidé de réorienter notre politique afin d’agir davantage sur le terrain de la communication.

Ainsi nous nous efforçons de faire comprendre aux acteurs du tourisme que le respect des normes et la mise en accessibilité est avant tout une amélioration supplémentaire qui bénéficiera à tous leurs clients, handicapés ou non, et qu’améliorer leurs équipements n’est pas une contrainte mais un investissement sur la qualité de leur offre.

Cela se traduit par un accompagnement-conseil des professionnels dans leurs projets de mise en accessibilité pour le plus grand nombre, et par des actions de sensibilisation et d’information auprès de l’ensemble des acteurs. Nous avons également établi un étroit partenariat avec le groupe Handistrict dont les objectifs et valeurs coïncidaient tout à fait avec ceux du CRT Paris-Île-de-France.

 

Comment fonctionne Handistrict ? En quoi consiste votre partenariat ?

Handistrict est un site internet qui répertorie plus de 7 000 sites accessibles sur l’ensemble de la France, tous secteurs confondus et plus de 200 sites franciliens dans le secteur du tourisme en fonction de chaque type de handicap. Nous nous sommes associés pour mettre un accent plus fort sur la communication autour des lieux touristiques accessibles, et faire connaître davantage de sites, y compris ceux qui ne sont pas labellisés.

Concrètement, lorsqu’un acteur souhaite inscrire son site sur Handistrict, il convient d’un rendez-vous sur les lieux avec deux chargés de mission du CRT. Ceux-ci testent alors le niveau de qualité proposée et apportent éventuellement des conseils pour améliorer la mise en accessibilité. Ils décident ensuite de valider ou non l’inscription sur Handistrict.

Nous réfléchissons par ailleurs à l’élaboration de « parcours accessibles », de manière à éviter les ruptures d’accessibilité lorsque le public souhaite se rendre successivement dans différents lieux rapprochés: gare, musée, restaurant, hôtel… Cette simplification serait bénéfique aux touristes aussi bien qu’aux établissements.

 

Peut-on considérer le référencement Handistrict comme l’équivalent d’un nouveau label ?

Absolument pas ! Je ne crois plus du tout aux labels, qui ne présentent plus grand intérêt à mon sens, et n’ont plus forcément de signification pour le public. Je ne souhaite pas non plus les contourner. L’objectif d’Handistrict et du CRT est de promouvoir tous les sites accessibles de la manière la plus efficace possible en apportant des informations claires, fiables, et consultables en temps réel par le biais d’un simple clic. Pour que les personnes handicapées fréquentent ces sites il faut d’abord qu’elles sachent qu’ils existent et qu’ils sont adaptés.

 

Quels sont les freins rencontrés aujourd’hui dans la mise en accessibilité des lieux touristiques ?

A la méconnaissance des enjeux de l’accessibilité s’ajoute le manque de moyens donnés aux acteurs du tourisme en termes de fiscalité, d’investissement et de communication.

Il est nécessaire d’entamer une meilleure valorisation des métiers, de former les salariés à la problématique du handicap sous l’angle de l’accessibilité mais aussi de l’accueil. Et surtout il est indispensable que les professionnels comprennent que l’accessibilité est un critère de qualité central pour tous les touristes potentiels.

 

Quel regard portez-vous sur la loi accessibilité de 2015 ?

J’estime qu’elle est impraticable en l’état. Les professionnels ont une vraie volonté d’agir, mais l’approche qui leur est imposée est déraisonnable. Nous devons garder à l’esprit que tout n’est pas possible. Certains sites qui s’inscrivent dans l’histoire ne peuvent entrer dans le tout accessible. Il ne faut pas trop s’éloigner du réel. Le Louvre, Disney et Versailles sont accessibles mais le troisième étage de la Tour Eiffel ne pourra jamais l’être, à moins de le détruire pour le reconstruire.

L’application de cette loi me semble réalisable à condition qu’on prenne le soin de faire les choses dans de bonnes conditions, avec du temps et de la pédagogie.

Propos recueillis par Caroline Madeuf

Plus d’infos sur Handistrict: www.handistrict.com

Légende photo : Jean-Pierre-Blat : « Nous devons garder à l’esprit que tout n’est pas possible » © CRT Paris IDF / Brazil