Ne pas se laisser faire ou demander de l’aide, ce n’est pas si facile, surtout pour des adolescents atteints de trisomie 21. Alors pour y remédier, l’association Trisomie 21 Haute-Garonne a mis en place à Toulouse, pendant un mois et demi en novembre puis en janvier, deux sessions de cours de Cérébral Défense, self-défense où la priorité est d’apprendre à s’affirmer.
« Quand j’étais en troisième, un garçon m’a lancé un jour une chaussure, confie Jacques, un jeune homme de 16 ans atteint de trisomie 21 et apprenti cuisinier. Ce n’était pas la première fois qu’il m’embêtait, il me disait parfois que j’étais moche, que j’étais nul et qu’il allait me jeter dans une poubelle ». Jacques ne l’a jamais dénoncé. Pourquoi ? « Je ne sais pas…, répond-il. C’était difficile d’en parler ». Aujourd’hui, il est au lycée et n’est plus du tout malmené. Mais il souhaiterait tout de même savoir comment y faire face si cela se reproduisait. Avec cinq autres adolescents, il suit des cours de Cérébral Défense. Comme lui, tous souffrent de déficience intellectuelle et font partie du SESSAD (Service d’éducation spéciale et de soins à domicile), un accompagnement que propose depuis une dizaine d’années l’association Trisomie 21 Haute-Garonne à une trentaine d’enfants âgés de 0 à 20 ans. Son but : les aider à devenir le plus autonome possible. Pas si facile pour ces jeunes, plus vulnérables que les autres adolescents de leur âge. « Ils seront plutôt la cible d’agressions du type vol de portable, racket ou encore injure gratuite que de violences physiques », indique Kamel Koob, professionnel d’arts martiaux depuis 17 ans et formateur du Cérébral Défense, un concept qu’il a inventé, il y a maintenant quatre ans. Pendant un mois et demi, il les coache tous les vendredis après-midi afin qu’ils prennent de l’assurance. Car, selon lui, « si on arrive à avoir confiance en soi et de l’estime pour soi, on arrivera à s’affirmer et donc à se défendre ».
Avoir la bonne attitude
Assis sur les tatamis, Mathilde, Lauriane, Maëva, Jacques, Hugo et Léo, âgés de 13 à 16 ans, écoutent attentivement Kamel Koob. « Si quelqu’un vous bouscule dans la rue, que dîtes-vous ? », questionne cet homme grand et musclé. « Excusez-moi », lance l’un. « Ce n’est pas grave », répond un autre. « Non parce qu’en disant cela, vous vous rabaissez. La bonne phrase est « il n’y a pas de mal » dans le sens « j’ai bien compris que vous n’aviez pas l’intention de me faire mal ». » Et pareil, si quelqu’un bloque la sortie du métro, il ne faut surtout pas dire : « Pardon, je veux passer ». « C’est la personne qui est devant la porte qui dérange, démontre-t-il, j’ai juste à dire : « Attention monsieur ou madame » ». Il poursuit : « Vous savez, si vous vous adressez à une personne de façon respectueuse, elle en fera de même avec vous ». Il en est convaincu, en utilisant les bons mots et en ayant la bonne attitude, la situation ne dégénérera pas.
Ne pas se rabaisser
« Il y a trois mots difficiles à dire dans la vie, assure Kamel. C’est « je t’aime », « pardon » et le troisième, quelqu’un le sait ? » Pas de réponse. « C’est « aidez-moi », lâche-t-il. Même si c’est compliqué, c’est important de le dire car si vous arrivez à demander de l’aide lorsqu’une personne vous agresse par exemple, vous vous défendez ! Cet acte ne restera pas impuni puisque vous l’aurez rapporté et vous vous sentirez mieux. Mais pour y arriver, il faut avoir du courage. On va y travailler. » Kamel les fait alors sortir dans la rue. Leur mission est de trouver la place Dupuy, puis le métro Arènes. Mais pour cela, il faut qu’ils osent arrêter un passant. Mathilde part la première avec Lauriane. Et chaque fois qu’une personne arrive dans sa direction, elle murmure « bonjour » tout en baissant les yeux. Le piéton, lui, n’entend rien et passe son chemin. « Dis-le plus fort et mets-toi face à la personne », lui conseille Kamel. Mais Mathilde n’y arrive pas. La foule l’effraie. Elle n’est pas la seule dans ce cas. Quelques minutes après, vient le tour de Hugo et Jacques. Le premier ne parvient pas à faire l’exercice. « J’ai peur », crie-t-il tout en se collant contre le mur. « Courage Hugo ! », lui lance son camarade mais rien n’y fait. Jacques, lui, interpelle les passants sans aucune difficulté. Il est très à l’aise, même trop parfois. La preuve : le vendredi d’après, un inconnu l’accoste dans le métro et après avoir discuté ensemble, il lui propose de l’accompagner. L’adolescent le suit jusqu’à ce que le formateur et un éducateur le stoppent. Jacques n’est pas du tout méfiant…
L’an dernier, déjà, Kamel leur avait donné quelques cours. Depuis, la maman de Hugo a vu la différence : « Avant, quand quelqu’un se moquait de lui, il en venait directement aux mains. Maintenant, il répond par des mots ». Et conclut : « Ça leur sert aussi dans leur vie professionnelle. Quand Hugo est allé à son premier jour de stage, il est arrivé à regarder son nouveau tuteur dans les yeux et à se présenter sans aucune hésitation ! »
Pauline Maisterra










