Cet article est proposé par Patricia Pereira, neuropsychologue et psychologue spécialisée dans l’accompagnement des profils autistes. Fondatrice de COGMIES, elle conçoit des jeux sérieux et d’autres outils pour soutenir le développement émotionnel, cognitif et social des enfants et des familles.
Le jeu constitue le principal mécanisme d’exploration du monde chez les enfants. En réalité, il peut rester un outil d’apprentissage et de développement à tout âge. C’est en jouant qu’un enfant apprend à parler, à marcher, et réaliser diverses activités essentielles pour son développement.
Ces conquêtes permettront à l’enfant de devenir un adulte épanoui.
Il a été démontré que le jeu peut avoir un impact positif sur le développement personnel ainsi que sur la capacité d’autodétermination. Par autodétermination, on entend la capacité à orienter son propre comportement en fonction de son objectif.

du profil autistique d’une manière factuelle et informée par la s
Le jeu représente à la fois un moment et un moyen d’accroître le sentiment de compétence dans une tâche, car l’individu peut observer ses progrès au fil des parties. La sensation d’autonomie, renforcée par la liberté de faire des choix alignés avec ses propres objectifs, est également favorisée par le jeu.
Il ne faut pas oublier que dans le jeu, l’individu reste maître de ses décisions.
Selon cette même théorie, la relation à autrui joue aussi un rôle central.
C’est par ce biais que le jeu peut renforcer la confiance en soi et l’estime de soi.
L’estime de soi, c’est-à-dire la perception de sa propre valeur, et la confiance en soi, notamment la perception de sa compétence dans un domaine donné, peuvent toutes deux être nourries par le jeu. Le plus souvent, jouer est associé à des moments de légèreté partagés avec des personnes importantes pour nous. Le simple fait qu’ils nous consacrent du temps, dans un cadre agréable, renforce notre sentiment d’importance à leurs yeux, et donc notre estime personnelle. Quant à la confiance en soi, elle se construit
souvent par la répétition d’une activité et de la constatation de notre propre progression.
Une analyse rigoureuse et validée scientifiquement montre que le jeu répond aux trois besoins psychologiques fondamentaux : la compétence, l’autonomie et la relation à autrui. Pour reprendre les mots d’Hugo Horiot (écrivain, comédien, militant pour les droits des autistes et lui-même autiste),
l’apprentissage des habiletés sociales ne peut se faire que si le plaisir et le jeu sont associés à l’apprentissage. Au-delà des mécanismes psychologiques, le jeu active également le système
de récompense du cerveau, favorisant ainsi la motivation à apprendre sans les effets paralysants du stress ou de l’anxiété liés à l’erreur.
Le jeu devient alors un moyen d’apprentissage unique, car il offre une exposition plaisante à des situations où l’apprentissage se fait naturellement. On sait que les
activités alignées avec nos valeurs, nos objectifs et nos envies sont sources de motivation intrinsèque. Celle-ci est étroitement liée au plaisir et au désir de continuer l’activité. Apprendre peut donc devenir un jeu d’enfant.
Consultez aussi notre article : 10 jeux pour enfants autistes
Le jeu permet aussi de travailler la peur du jugement
Car l’individu apprend que ses erreurs ne sont ni graves ni sanctionnées. Il stimule également les capacités de résolution de problèmes, de gestion de soi et de prise de décision.
Par ailleurs, les jeux sont souvent des moments de partage :
chaque enfant peut ainsi apprendre dans un contexte d’interaction avec son
entourage. Il est également connu que les modèles sont important pour
l’apprentissage. Les moments d’échange par le jeu peuvent fournir, aux
enfants, des modèles adaptés pour faire une activité donnée.
Mais tous les jeux se valent-ils ? Apprenons un peu sur leurs différentes
catégories.
Certains jouets permettent à l’enfant de laisser libre cours à son imagination et de construire des mondes imaginaires. Les Lego et les Kapla en sont d’excellents exemples. Ces jeux sont de formidables outils pour développer la créativité et les fonctions exécutives, telles que la planification, la flexibilité
mentale ou encore l’organisation.
D’autres jeux, plus structurés autour de règles, sont de véritables atouts pour
travailler la régulation émotionnelle et les compétences sociales. Imaginez
une partie d’UNO : on veut gagner, mais il faut savoir attendre son tour, anticiper ses prochains coups et gérer la frustration d’un +4.
Ces jeux sollicitent aussi les capacités cognitives
Des jeux comme UNO ou Rush
Hour sont souvent utilisés pour travailler l’inhibition, c’est-à-dire la capacité à
freiner un comportement inadapté. Voyons d’autres jeux et des compétences
travaillées.
- UNO : Inhibition, gestion de la frustration, anticipation, respect des règles
- Dobble : Attention visuelle, vitesse de traitement, flexibilité cognitive
- Cluedo : Langage, associations d’idées, pensée abstraite, collaboration,
- Mémoire de travail
- Qui est-ce ? : Déduction, catégorisation, mémoire, formulation de questions
- claires
- Pictionary : Expression graphique, communication non verbale, imagination,
- coopération
- Skyjo : Attention, mémoire, calcul simple, stratégie, inhibition
- Dixit : Créativité et imagination, empathie et théorie de l’esprit, langage et expression orale
Enfin, une dernière catégorie mérite une attention particulière : les jeux sérieux. Contrairement aux jeux de grand public, ils sont conçus pour transmettre un message, sensibiliser ou informer sur un sujet, tout en conservant leur aspect ludique.
Par exemple, Cogmies, créé par la neuropsychologue Patricia Pereira,
développe des jeux sérieux axés sur les émotions, les compétences
cognitives, la parentalité et la régulation émotionnelle. Les enfants peuvent,
par exemple, s’amuser avec Emoting, un jeu de 70 cartes illustrant des
émotions par des monstres colorés, ou découvrir l’autisme à travers
Autisôme. Les parents, quant à eux, peuvent explorer divers aspects de la
parentalité sans jugement ni recettes toutes faites, afin de réfléchir à leur
propre fonctionnement et à celui de leur famille. Ces jeux sont disponibles sur
www.cogmies.org
Chaque jeu présente un ou plusieurs personnages qui guident l’enfant (ou
adulte) dans l’apprentissage, permettant ainsi une immersion dans la
thématique. Le storytelling, c’est-à-dire l’utilisation des histoires pour passer
un message est un mécanisme également utilisé chez Cogmies. Ce principe
peut être utilisé en association avec tout jeu pour augmenter l’enthousiasme
et la motivation.
Il est possible de trouver d’autres jeux sérieux sur le site de Désclic (https://
www.desclic.net/) une entreprise engagée à changer le monde par le jeu. Sur
ce site, il est possible de trouver des jeux dédiés à la sexualité, aux émotions,
à la violence et à l’insertion dans le marché du travail.

Placotte est aussi une structure responsable par l’édition de divers jeux sur les émotions et
l’apprentissage. Finalement, Fanny Terisse, psychologue (https://
www.therasphere.fr) a créé un jeu intéressant pour aborder les traumas.
Il est aussi possible de penser, même que brièvement sur la gamification, un
concept très associé aux jeux et souvent mal incompris. Gamification
consiste dans le fait d’utiliser des mécanismes des jeux pour aboutir un une
fin. Imaginez que vous voulez vous motiver quelqu’un à réaliser une activité.
Vous pouvez transformer cette tâche monotone dans une véritable mission
que vous devrez faire en moins de 1h pour gagner un prix.
Aujourd’hui, les jeux sérieux et la gamification sont de plus en plus utilisés
dans les domaines thérapeutiques et éducatifs. Ils représentent un immense
avantage pour les personnes atypiques. Par exemple, les enfants avec TDAH
sont très réceptifs à la nouveauté et à la récompense immédiate offerte par
les jeux, tandis que les enfants autistes apprécient la structure et la clarté des
règles avec un objectif précis.
Si les jeux sont un moyen puissant, il est tout de même important de garder
en tête qu’ils sont un moyen et non une finalité en soi. Il est très puissant de
guider la personne ciblée par les jeux à réfléchir à ce qu’elle a appris, à son
comportement ou à ses objectifs. Il ne suffit pas de jouer, mais d’utiliser le jeu
comme un catalyseur de l’apprentissage.
Pour conclure, posons-nous cette question : Qu’avez-vous appris en jouant ?
Comment pouvez-vous les appliquer dans votre travail.










